Il existe dans plusieurs pays d'Europe, comme la Suède, l’Écosse, l'Islande, l'Autriche, l'Estonie, la Biélorussie, un droit coutumier de tous à profiter de la nature. Ce droit de jouir d'un environnement naturel propice au vivant est un aspect de nos droits environnementaux. Il s'exerce par définition dans des limites de respect du milieu vivant et des autres. En vertu de ce droit, dans les pays cités, on peut « déambuler » librement dans la nature sauvage et commune, notamment dans la forêt – pour reprendre l'expression de la juriste Sarah Vanuxem (née en 1978) dans son livre Du droit de déambuler (2025).
Or, en France, 75 % des forêts appartiennent à des propriétaires privés enclins à clôturer leurs terres au mépris d'une ancienne coutume qui reconnaissait un droit de chacun à aller en forêt. Situation singulière et paradoxale, puisque deux séries de normes « protègent » notre liberté de déambuler :
- d'une part, le Code civil, qui institue que toute propriété est relative et que le droit de propriété peut-être restreint s'il entraîne un préjudice. Le Code civil dispose, dans l'article 544, qu'on ne peut pas faire n'importe quel usage de son bien : le ravager, ou en user pour troubler le voisinage. La jurisprudence établit par ailleurs des servitudes légales, notamment de passage : si la clôture d'un terrain constitue un préjudice pour les voisins, par exemple en les forçant à faire un long détour, le propriétaire est tenu de leur accorder un droit de passage ;
- d'autre part, le Code de l'environnement, qui énonce que les espaces naturels, les paysages, l'air, l'eau font partie du patrimoine commun de la nation (L.1110-1). La Charte de l'environnement, qui a valeur constitutionnelle depuis 2005, énonce que chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. Dès lors, la liberté d'entreprendre et le droit de propriété s'exercent dans les limites de la protection de l'environnement et la de la santé.
Questions
- Peut-on étendre aux promeneurs les servitudes reconnues par le droit et par la jurisprudence ?
- Ne pourrait-on faire valoir que la liberté d'aller et venir est un principe constitutionnel qui ne saurait concerner... seulement les animaux ? À cet égard, Sarah Vanuxem observe avec humour que, depuis la loi n° 2023-54 du 2 février 2023, il est devenu obligatoire que les barrières qui ferment aux êtres humains l'accès aux forêts privées soient construites de telle sorte qu'elles n'arrêtent pas les animaux sauvages !
- Le droit maritime affirme que la mer est un bien commun, un lieu commun : pourrait-on étendre à la terre et aux forêts un tel principe ? Pourquoi le droit de déambuler serait-il analogue ou, au contraire, tout à fait contraire au droit de naviguer librement sur les mers ?
- Quel est le rapport entre les droits environnementaux et le « droit de déambuler », et comment ce dernier nous permet-il de mieux les comprendre ?